MANSOUR FAYE, MINISTRE DES INFRASTRUCTURES, DES TRANSPORTS TERRESTRES ET DU DESENCLAVEMENT

MANSOUR FAYE, MINISTRE DES INFRASTRUCTURES, DES TRANSPORTS TERRESTRES ET DU DESENCLAVEMENT

«Pourquoi j’avais déclaré ma candidature…»

Ministre des infrastructures, des transports terrestres et du désenclavement du Sénégal, Mansour Faye aborde dans cet entretien la question de la candidature au sein de la mouvance présidentielle. Le frère de la Première dame se prononce aussi sur les accidents de la circulation, ainsi que sur les attaques contre les véhicules de transport en commun. Sans langue de bois.

Le débat sur le choix du futur candidat de la coalition Bby fait rage depuis que le Président Macky Sall a annoncé son retrait, vous avez annoncé votre candidature ce jeudi à la surprise générale, qu’est-ce qui vous a poussé à le faire ?

Quand le président de la République a décidé de se retirer de la course à la Présidentielle, il avait demandé à ceux qui étaient intéressés de se manifester. Naturellement, il y a eu des gens qui se sont manifestés lors du Secrétariat exécutif national (Sen), en l’occurrence Abdoulaye Diouf Sarr et Abdou Aziz Diop. Par la suite, à travers la presse ou par d’autres supports politiques, nous avons vu des candidatures se manifester. C’est lors de la réunion convoquée ce jeudi par le Président Macky Sall que j’ai eu connaissance de l’identité de tous les candidats, déclarés ou supposés. Il y avait une liste de 11 candidats. En ce qui me concerne, des Sénégalais avaient manifesté leur volonté de me voir présenter ma candidature. Je ne l’avais pas fait parce que je suis un militant discipliné, parce qu’on avait donné au Président Macky Sall carte blanche pour effectuer le choix du candidat, j’étais dans la dynamique que le candidat qu’il aura choisi serait le mien. Je connais la difficulté du Président, puisque plusieurs candidatures se sont manifestées directement ou indirectement, qu’il ait éprouvé une certaine contrainte pour choisir. Et ce qui m’a poussé à déclarer ma candidature, c’est d’abord ce désir de certains de mes compatriotes, mais j’ai aussi senti, à travers la presse, une certaine manipulation au sujet d’un candidat qui serait celui de la belle-famille présidentielle, ce qui m’a paru anormal et je ne pouvais pas rester sans rien faire. J’ai donc annoncé ma candidature devant le président de la République et devant les autres leaders de la coalition. J’ai demandé au Président Macky Sall de m’accorder cette possibilité.

Mais il a refusé…

Oui, il a dit non, il m’a demandé de retirer ma candidature. Je me suis abstenu et me suis gardé de reprendre la parole.

Et quelles sont les raisons qu’il a avancées pour refuser votre candidature ?

Je ne lui demande pas d’explications, je ne lui ai pas demandé de m’expliquer le pourquoi d’une telle posture. C’est ma référence politique, mon leader et mon grand frère, donc quand il me demande de faire quelque chose… Il a peut-être estimé que ma candidature n’était pas appropriée, je lui laisse le soin d’en décider.

En avez-vous reparlé à la fin de la réunion ?

Non, nous n’en avons pas reparlé, je ne me suis même pas approché de lui pour avoir des explications. Je lui ai laissé le choix de décider de ma position et je vais me plier à son choix. Je m’en limite là. Dans tous les cas de figure, quand il aura désigné un candidat, comme des soldats, nous nous mettrons dans les rangs pour l’accompagner jusqu’à la victoire finale. Telle est ma posture, je me suis toujours comporté de cette manière et je continuerai ainsi.

Est-ce que votre déclaration de candidature n’était pas juste une réaction à l’information véhiculée selon laquelle le président de l’Assemblée, Amadou Mame Diop, était le candidat de la belle famille présidentielle ?

C’est peut-être l’étincelle qui a mis le feu aux poudres. Ce n’est pas pour justifier ma candidature, parce que si des critères de candidature étaient définis, je suis presque sûr que je sortirais du lot pour plusieurs raisons que je n’ai pas besoin d’évoquer ici. J’ai reçu de nombreux appels d’ici et d’ailleurs pour me pousser à me présenter, mais comme on avait donné carte blanche au Président Macky Sall pour qu’il choisisse, je m’étais abstenu de le faire.

Justement, en parlant du candidat de la belle famille, l’on rapporte qu’au cours de la réunion, vous avez attaqué le Premier ministre…

(Il coupe). Ce qui est raconté n’est pas conforme à la réalité. Je ne me suis attaqué à personne. Je n’ai cité aucun nom. J’ai juste défendu un principe. C’est tout.

Par rapport à votre candidature, n’êtes-vous pas désavantagé par la proximité familiale ?

Dans ma tête, je suis un responsable et un militant politique, la relation familiale est là et elle restera là. Je suis un homme politique, maire reconduit, j’occupe des fonctions ministérielles depuis 2014, et à des postes stratégiques… donc je pense connaître l’Etat.

Mais cela n’empêche que les gens diront que c’est le frère de la Première dame…

C’est normal et c’est de bonne guerre. Mais quand je me vêts de mon manteau d’homme d’Etat, je reste dans cette posture. Je suis un soldat au service de la République. Et quand je suis en famille, c’est autre chose, c’est Mansour et Macky. La frontière est réelle et claire à mon niveau. Mais, c’est normal que des adversaires puissent essayer cette tactique, mais cela n’a jamais marché. Mon état d’esprit me met dans une position où je fais la différence entre le beau-frère et l’homme au service de la République.

Et comment vivez-vous le fait que le président de l’Assemblée nationale soit présenté comme le candidat de la belle-famille du Président, n’est-ce pas gênant ?

C’est déplorable, c’est une manipulation que je suppose venir de l’intérieur du parti, et ce n’est pas sérieux. Le président de l’Assemblée nationale est un responsable politique de premier plan qui a fait ses preuves à l’Apr. Les députés lui ont fait confiance pour présider l’Assemblée nationale, donc ce serait tout à fait normal qu’il manifeste sa candidature sans que cela soit lié à une position de proximité avec la famille. Mais on est dans le jeu politique, et certains utilisent des armes conventionnelles ou non pour atteindre des objectifs, mais ça ne marche pas.

Mais comment est-on arrivé à établir un lien entre lui et la famille présidentielle, quelles relations entretenez-vous ?

Ce sont des relations de longue date, depuis Saint-Louis, parce que Amadou Mame Diop est un Saint-louisien qui a migré à Richard Toll. En réalité, il est plus ami avec mon frère qu’avec moi. Donc c’est une amitié de longue date que nous avons conservée. Quand il s’est agi d’accompagner le Président Macky Sall, il fait partie des premiers à se lever. Donc on s’accompagne et on se soutient mutuellement, nous sommes au service du Président pour l’accompagner dans la réussite de ses programmes. Mais il est libre d’avoir des ambitions.

Mais il n’a jamais été question au sein de la famille de l’accompagner ?

Pas du tout, on n’en a jamais discuté. D’ailleurs, ce n’est même pas lui qui s’est levé pour déclarer sa candidature, elle a été portée comme certains ont essayé de porter la mienne.

Plusieurs autres noms sont avancés parmi les candidats, Amadou Ba, Abdoulaye Daouda Diallo, Boun Dionne… à votre avis, qui est le mieux placé, quel est le meilleur profil ?

Le meilleur profil est celui que le Président choisira. Et le Président a une expérience institutionnelle et surtout politique. Il connaît parfaitement la politique, il connaît le Sénégal des profondeurs, il connaît les attentes des Sénégalais, donc la personne qui poursuivra son plan stratégique à travers ses plans d’actions prioritaires pour atteindre l’émergence en 2035, il en connaît les contours, théoriques en tous cas. Et je suis presque sûr que le candidat qu’il choisira sera le meilleur.

Vous connaissez le Président Macky Sall, vous maitrisez l’enjeu socio-politique ainsi que la coalition, pour vous, comment doit être le candidat qui devra porter la coalition ?

Il devra avant tout essayer de calquer au maximum les qualités du Président Macky Sall, qui a su maintenir cette coalition Bby depuis 2012 jusqu’à présent, sans problème particulier. Et il en est conscient, parce que le futur candidat ne sera pas uniquement le candidat de l’Apr, mais de la coalition Bby. Il faut donc préserver ce legs. Mais répondre à ces critères ne garantit pas une mise en œuvre appropriée. Le candidat devra avoir le sens de la parole donnée, du respect des engagements, c’est une leçon qui a été donnée par le Président Macky Sall. Le parti et la coalition seront là, si un candidat est choisi, qu’il sache que s’il dévie, il aura en face de lui le parti et la coalition. Donc il aura intérêt à respecter ses engagements, comme nous l’avons spécifié dans la Charte de la coalition et le pacte qui ont été mis en place.

Il y a un débat qui se pose autour de l’authenticité et de la légitimité de certains candidats, cela ne fausse-t-il pas le jeu ?

Il est vrai qu’il y en a qui l’évoquent, les gens parlent de légitimité historique, de militants de la première heure… mais pour moi, ils sont peut-être dans la nostalgie. Il n’y a pas de légitimité historique qui tienne, je fais partie des premiers éléments de l’Apr, en 2004 déjà. Mais pour moi, ceux qui sont là depuis 2004 et ceux qui arriveront demain, il n’y a pas de différence, c’est la même chose. Il suffit d’être quelqu’un qui peut travailler avec tout le monde, qui peut fédérer et surtout gagner. Parce que l’essentiel, c’est de gagner et de préserver le legs et l’œuvre colossale du Président Macky Sall. Pris individuellement, aucun des candidats ne sort de sa commune ni n’a de base politique réelle. Donc c’est ensemble qu’il faut gérer, en faire un effet de levier pour aller à la conquête du pouvoir avec l’accompagnement du Président Macky Sall. Parce que c’est lui qui va faire gagner le candidat, mais individuellement, ils ne pourraient même pas gagner une commune.

Donc vous ne pensez pas qu’il y aura dissension après le choix du candidat par le président ?

Je suis persuadé que c’est ce que le Président veut éviter, la dispersion. Et c’est pour cette raison qu’il cherche des consensus. La dispersion risque d’être fatale et c’est ce qu’il faut éviter à tout prix. D’où la nécessité de discussions et d’échanges entre les différents protagonistes.

Jouez-vous un rôle dans l’harmonisation des positions ?

Je suis obligé de jouer ce rôle, de parler aux uns et aux autres. Je n’ai pas encore commencé parce que je n’avais pas la liste officielle de tous les candidats à la candidature, mais je vais prendre mon bâton de pèlerin pour qu’ensemble, on discute pour faire focus sur ce qui est important pour les Sénégalais, à savoir sortir du lot des pays les moins avancés. Et nous y arriverons parce que le président a bien travaillé.

Parlons maintenant du transport avec des attaques aux cocktails Molotov contre des bus de transport en commun qui ont fait deux décès et des blessés. L’Etat parle d’attentat terroriste…

D’abord condamner ces actes, qui ont été planifiées et exécutées, avec des objectifs divers : faire peur à la population, mettre à genoux l’économie et aussi tuer des personnes. Malheureusement les auteurs ont réussi à avoir des morts à Yarakh, à Thiès, ils ont incendié trois bus, mais je pense que leur objectif n’a pas été atteint. Parce que les acteurs de Aftu n’ont pas failli et n’ont pas arrêté de rouler, ils ont décidé de continuer de travailler en parfaite solidarité pour ne pas qu’il y ait ébranlement du système, et c’est à saluer et à remercier. Ensuite, il faut saluer le fait que la population n’ait pas paniqué. Les gens continuent à prendre les bus Aftu sans difficultés, et l’Etat a pris des dispositions pour renforcer davantage la sécurité des personnes et des biens, et faire face à ces actes criminels. Deux suspects ont déjà été arrêtés et les enquêtes se poursuivent, la loi s’appliquera dans toute sa rigueur sur les coupables. Le président de la République a également fait un geste envers ceux qui ont perdu leurs bus.

Une sorte de dédommagement ?

Je dirais plutôt un accompagnement financier, ce sont des Sénégalais qui ont perdu leur bien. Et à la suite des procès-verbaux qui seront donnés, nous allons essayer, en relation avec le Cetud et Aftu, de trouver comment accompagner davantage les victimes en termes de matériel.

Est-ce que le ministère va prendre des mesures pour mettre un terme à ces attaques qui commencent à être récurrentes ?

Les Aftu ont déjà pris certaines dispositions en mettant une ou deux personnes pour veiller à la sécurité dans les bus. Ils ont également mis en place un dispositif de veille avec des motos et des véhicules qui circulent le long des lignes, en guise de prévention. Nous allons continuer à suivre cela et l’Etat sera là pour contrer toute velléité de récidive.

Est-ce que cette affaire ne sort pas du cadre politique, parce qu’on voit que tous les partis politiques ont condamné ces actes ?

A mon avis, les gens ont compris qu’il y avait certaines formations politiques qui voulaient mettre à genoux ce pays, et c’est regrettable. Mais aujourd’hui, ce qui est évident, c’est que le Sénégal est un pays fort, avec une véritable République. L’Etat est debout et continuera à l’être. Nous sommes dans un cycle de vie normal qui va continuer.

L’enquête au sujet de l’accident qui a eu lieu vers Louga et qui a causé 24 morts a fait savoir que les papiers du bus n’étaient pas en règle, ce qu’on entend fréquemment en cas d’accident, pourquoi le système de contrôle fait défaut ?

Il faut faire attention, j’ai lu dans la presse les conclusions de l’enquête selon lesquelles le véhicule avait de fausses pièces, mais tel n’est pas le cas. La carte grise était valable et c’est au mois de mars dernier que la visite technique a été faite, donc il n’y avait pas de problèmes de ce côté. Le problème était par rapport à la licence et j’ai demandé à mes services de vérifier. Par contre, nous avons tous constaté qu’il y avait un surnombre. Un bus de 60 places où l’on retrouve 76 personnes, c’est une grande surcharge, et c’est une faute. Mais il faut dire que c’est difficile de contrôler tous les véhicules, certainement par un hasard des choses, ce véhicule est passé entre les mailles du filet et cela a malheureusement entraîné un accident. Mais le contrôle va s’accentuer pour éviter de telles dérives, ce qui est constant, c’est que le véhicule a respecté les horaires de nuit.

Lors du dernier Conseil des ministres, le chef de l’Etat a demandé d’accélérer le programme de renouvellement des parcs automobiles, pourquoi cela tarde ?

Le programme de renouvellement est en cours, nous supportons même des initiatives privées avec l’appui de l’Etat. Mais il faut davantage de ressources, et c’est le sens d’ailleurs du communiqué, pour avoir un renouvellement d’envergure et permettre un retrait de certains types de véhicules en circulation. Donc en relation avec le ministère des finances, sur instruction du chef de l’Etat, nous sommes en train d’accélérer le processus.

Le Brt avait subi des dégâts lors des dernières manifestations, quelle est la date retenue pour la mise en service ?

Effectivement il y a eu des dommages importants qui auraient pu décaler la date de livraison. Nous avions prévu la mise en circulation pour le dernier trimestre de l’année 2023, et nous avons retenu de commencer l’exploitation commerciale en décembre. Maintenant ce sera peut-être en mode séquentiel au début, mais en décembre, les bus vont circuler de Guédiawaye à Petersen.

Est-ce que les prix seront abordables ?

L’exploitation sera gérée par une société privée, Dakar Mobility, mais d’après le benchmarking qui a été fait, ce sera des prix très abordables et compétitifs.

ADAMA DIENG

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