Actes de sabotage des autoponts, énième exemple parfait de l’incivisme des nouveaux criminels
Quand les tares, les vices et les imperfections d’une société tendent à éclipser les modèles, l’anomie s’installe progressivement. L’indiscipline caractérisée qu’affichent sans gêne certains Sénégalais frôle le déraisonnable. Aujourd’hui, si la victoire du tandem Bassirou Diomaye Faye-Ousmane Sonko à la présidentielle du 24 mars est sans appel, l’immensité des attentes côtoie l’espoir que suscitent les 100 premiers jours du gouvernement du « Jub jubal jubanti ».
En un temps record, beaucoup de mesures patriotiques à la limite courageuses ont été prises présageant une nette rupture dans la gestion des affaires publiques. Mais parmi les domaines fondamentaux où il n’y a encore point de changement, c’est l’assimilation des valeurs civiques chez beaucoup de nos compatriotes. Alors que le patriotisme, tant chanté dans le « Projet », est perçu comme étant l’amour de sa patrie ; le désir, la volonté de se dévouer, de se sacrifier pour la défendre ; le civisme, quant à lui, envoie au dévouement envers la collectivité, l’État, et à la participation régulière à ses activités. Ce dernier point reste un donc vaste chantier pour lequel les nouvelles autorités risquent tout simplement d’échouer. Et les actes de sabotage et de vandalisme perpétrés sur des autoponts dakarois prouvent à suffisance qu’à ce niveau, le chemin est encore long, très long même.
Dans une vidéo devenue virale, l’auteur alerte en montrant comment des individus mal intentionnés ont enlevé et emporté des écrous de liaison des piles aux semelles de l’autopont de Lobatt Fall. « Ces actes d’incivisme et d’indiscipline ont été enregistrés dans la quasi-totalité des ouvrages et peuvent avoir des conséquences dommageables pour la sécurité des populations et des usagers, occasionnant une dégradation prématurée de ces ouvrages », lit-on dans un communiqué de l’Agence des travaux et de gestion des routes (Ageroute). Celle-ci assure que les autorités concernées ont été informées de ces actes répréhensibles qui feront l’objet d’une application de la loi, dans toute sa rigueur, pour punir les auteurs. Palpitant !
Mais ce que les autorités routières ont essayé d’expliquer à travers ce document, -avec des termes plus modérés-, c’est que les auteurs de ces faits sont des criminels. Ni plus, ni moins. Car, si toutefois les pieds d’un de ces ouvrages très fréquentés cèdent, ce sera l’hécatombe. Au-delà des dommages matériels, cela peut être à l’origine d’un drame au cœur de la capitale.
Voler ces types d’objets ô combien importants pour les échanger après avec des miettes tout en mettant la vie de centaines de Sénégalais en danger ne relève pas seulement d’un simple acte d’incivisme, c’est plutôt l’œuvre de grands criminels qu’il faut donc traquer et sévèrement sanctionner.
Il faut, par ailleurs, admettre que ces images flippantes confirment un réel problème de suivi pour les grands ouvrages de l’Etat. Avant la fin des chantiers, les autorités peuvent multiplier des visites, parfois inopinées, pour constater de visu l’avancement des travaux, souvent avec une communication agressive et politique, mais une fois achevé et livré, les contrôle de l’ouvrage fait défaut, l’entretien n’en parlons pas. Alors que chez nous, les mentalités peinent à changer.
Quoi qu’il en soit, ces comportements inhumains, constatés au niveau des autoponts, ne sont que la partie émergée d’un iceberg d’indiscipline chronique qui anime certains citoyens Sénégalais. Ce déficit civique entraîne l’égoïsme, la personne se moque des autres et notamment des normes établies, ce qui compte pour lui, c’est son intérêt.
Un autre exemple patent : toute cette campagne de sensibilisation à la veille de la Tabaski pour appeler les Sénégalais à ne pas jeter les peaux et autres restes des moutons dans les égouts n’a visiblement pas servi à grand-chose. Les images prises sur la plage de Cambérène par exemple et dans les rues de Dakar font froid dans le dos. N’eut été la promptitude des vaillants agents de la Société nationale de gestion des déchets (Sonaged, ex Ucg), la situation allait s’empirer.
Mais pour les canalisations, il faudra attendre les premières gouttes de pluies pour se rendre compte de leur probable obstruction. Justement, combien de couvercles de ces conduites d’eaux pluviales ont-ils déjà été volées et commercialisées à la ferraille ?
Un petit tour dans certains quartiers populaires et l’on est vite décontenancé par les tas d’immondices qui campent le décor. Sous prétexte que la place publique n’appartient à personne, elle devient un dépotoir d’un désordre indescriptible. Les plus véreux ouvrent leurs fosses septiques pendant l’hivernage pour qu’elles ruissellent avec les eaux pluviales. Et personne ne dit rien, parce que nous sommes un pays si particulier où, disons-le, les murs de nos maisons, ceux des stades, des garages et des marchés sont des pissotières.
Mais comme on l’a dit et redit, dans ce « ghetto » où règne un laxisme notoire, on laisse toujours faire. Mais jusqu’à quand ?