Piqûre d’Abel : «Sonko veut transposer la rébellion à la Place de la Nation»

La parole de Abou Abel Thiam est très rare. Et lorsqu’il décide de retrouver le fil de l’actualité, l’ancien porte-parole du président de la République s’attaque à Ousmane Sonko, un «opposant aux institutions de la République». Le président du Collège de l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (Artp) accuse le leader de Pastef de vouloir déplacer la rébellion casamançaise à Dakar. Dans cet entretien, M. Thiam, membre du Secrétariat exécutif national de l’Apr, se dit choqué par les propos de Cheikh Abdou Bara Dolly, mais appelle la Justice à faire son travail dans les affaires Amath Suzanne Camara et Farba Ngom.

Quel est votre commentaire suite à l’arrestation du député Cheikh Abdou Mbacké Bara Dolly pour «offense au chef de l’Etat, diffamation et diffusion de fausses nouvelles» ?
Comme tout le Peuple sénégalais, j’ai été choqué par ses propos. J’ai été meurtri pour l’image de notre pays d’entendre des choses pareilles venant d’un député, un homme politique qui se dit d’extraction religieuse. Entendre ces propos publiquement, c’est-à-dire pensés et raisonnés dans un lieu public, à l’adresse de la Nation, j’en ai honte pour mes enfants et l’image de notre pays. Certains ont parlé d’incartade mais c’en est pas une. Ces insanités n’ont pas été en incohérence avec les autres propos tenus ce jour-là, lors de ce meeting. C’est juste le pic des propos tenus lors de ce meeting. Chacun a parlé selon ses mots, son vocabulaire, son bagage lexical, mais tous étaient dans la violence, l’irrévérence. Ils étaient dans des attaques ad hominem, ce qu’on appelle en wolof du «xaxar», c’est-à-dire le niveau le plus trivial et vulgaire de l’expression publique. Cela dénote de plusieurs choses. Il y a dans cette opposition, une indigence de l’argumentation. Lorsqu’on a des arguments à faire prévaloir, à opposer à un pouvoir, quand on a des choses solides à dire, on ne tombe pas aussi bas.

Cheikh Abdou Bara Dolly dit s’adresser à Macky Sall, président de Benno bokk yaakaar, et non au chef de l’Etat. Est-ce que cet argument est compréhensible ?
Non ! Je pense que quelle que soit l’adversité, la haine qu’on voue à quelqu’un, il faut respecter la personne. Ce sont des arguments faux fuyants parce qu’il parle du président de la République, du locataire du Palais présidentiel, de l’institution incarnée par M. Macky Sall. Aujourd’hui, par la grâce de Dieu et la confiance de la majorité des Sénégalais, Macky Sall est l’incarnation de notre Nation, de ce qui nous unit nous tous au-delà de nos chapelles politiques, croyances religieuses, confréries, communautés, ethnies, régions… Proférer des insanités de la sorte, de façon publique contre n’importe quel individu, c’est tomber très bas. Aujourd’hui, ce qui caractérise cette opposition radicale-là, c’est la violence, qui masque mal la faiblesse de l’argumentation, le manque de culture et d’éducation. Au-delà de l’instruction, il faut avoir une certaine éducation pour ne pas tomber aussi bas. Le profil type de l’opposant, c’est l’insulteur, l’homme violent qui s’attaque aux institutions, à nos symboles.

Vous parlez de Ousmane Sonko ?
Je suis touché lorsque je dresse par allusion un portrait-robot de cette façon, que tout de suite mon interlocuteur donne un nom, et en l’occurrence Ousmane Sonko. Effectivement, Ousmane Sonko personnifie cela par son attitude de tous les jours. Je suis un observateur de la politique depuis 30 ans mais la personne de Ousmane Sonko, je le constate comme la majorité des Sénégalais, est l’expression la plus faible qu’on puisse avoir en politique. C’est aussi l’expression la plus dangereuse et je m’explique. Aujourd’hui, Ousmane Sonko n’est pas seulement un opposant à Macky Sall ni au seul régime de Macky Sall, c’est un opposant aux institutions de la République, qui veut instaurer une dictature de la minorité. Je pèse bien mes mots. Ce qu’il appelait système, on découvre qu’en fait, quitte à s’allier avec n’importe qui, n’importe comment, son but c’est de casser les institutions. Quand un opposant ose comme il l’a fait, appeler à la manifestation pour aller déloger le président de la République, on ne peut pas atteindre un niveau plus grave, plus violent dans la sédition, dans l’insurrection.
Malheureusement, mes confrères de la presse se cachent derrière leurs petits doigts et laissent passer des choses pareilles comme si c’était un épiphénomène, comme s’il devait être admis qu’un opposant puisse, dans une République, appeler à l’insurrection et l’assumer. En réalité, Ousmane Sonko est aujourd’hui hors de la République par ses propos et actes qu’il pose tous les jours. Il est en opposition avec les institutions et en rébellion. Il est aux antipodes de ce qu’il proclame. Il se proclame patriote mais il n’y a rien de plus antipatriotique que Sonko. Lorsque l’Equipe nationale de football gagne et que la ferveur traverse l’ensemble de la Nation sénégalaise, qu’elle soit au Sénégal ou à l’étranger, dans les mosquées ou les églises, dans les marchés et partout ailleurs où la fibre sénégalaise frémit, ce jour-là, chacun d’entre nous était aux anges. Ousmane Sonko, comme il ne voulait pas que ce succès soit un gain politique pour Macky Sall, son adversité au pouvoir actuel étant plus importante que les succès de la Nation sénégalaise, il n’a pas répondu à l’invitation du Président. Madiambal Diagne appelle toujours Ousmane Sonko à se démarquer de la rébellion casamançaise, il ne l’a jamais fait. C’est limite s’il n’a pas applaudi quand nos vaillants soldats ont été tués en Casamance. Où est le patriotisme de Ousmane Sonko ? A chaque fois que ses intérêts sont menacés, il s’en est pris à tout le monde. La presse à laquelle il ne se prête jamais en interview devient pestiférée à partir du moment où elle sort des résultats qui sont contraires aux intérêts de Sonko. Il n’a pas hésité à appeler à faire attaquer des organes de presse. C’est le sort qu’il réserve à la Société civile si elle émet la moindre critique sur son action. Ousmane Sonko est aux antipodes de la citoyenneté et du patriotisme. Il est l’incarnation du cas Docteur Jekyll et de Mister Hyde. Il est Dr Jekyll le jour et Mister Hyde le soir.

Malgré tout ce que vous énumérez comme attaques aux institutions, les appels à l’insurrection…, la Justice ne fait rien…
Je ne comprends pas pourquoi la Justice ne dit rien devant des cas aussi graves concernant Ousmane Sonko. A partir du moment où l’Etat ou la Justice démissionne, ça devient du «chacun pour soi». Sonko ne respecte aucune institution du pays. Qu’elle soit religieuse, sociale, politique ou administrative. Il l’a manifesté à toutes les occasions de sa vie. C’est une menace à notre commun vouloir de vivre ensemble.

Avant Ousmane Sonko, l’opposant Macky Sall avait tenu les mêmes propos en 2011, disant que «si Wade viole la Constitution, on ira le déloger du Palais». Pourquoi les propos de Sonko suscitent autant d’indignation de votre part ?
Mais le Président Macky Sall n’a jamais dit : «Venez, on va le déloger.» Macky Sall n’a pas appelé à un «Mortal kombat» et ne s’est pas prévalu de la mort de 14 individus. Macky Sall n’a pas assumé un appel à l’insurrection. Dire s’il viole la Constitution, on fera ça, c’est être dans les conditionnalités politiques. Ça peut être mis dans la logique des déclarations politiciennes. Mais Sonko a dit que ses déclarations relèvent de la sédition et qu’il l’assume, ce n’est plus une proclamation politique.

Le gouvernement a confirmé l’arrestation de rebelles lors de la manifestation de Yewwi askan wi. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Les faiseurs d’opinion, les premiers témoins de l’histoire politique du Sénégal, au premier rang desquels la presse nationale, devaient s’investir le rôle de mettre à nu des choses pareilles. On ne doit pas lorsqu’on est un Sénégalais, épris de paix et de la stabilité de notre Etat et de nos institutions, laisser passer des choses pareilles comme si c’était banal. Il faut aller enquêter : où ont-ils été arrêtés, qui sont arrêtés et ils s’apprêtaient à faire quoi ? Il ne faudrait pas que la presse se contente d’être une caisse de résonnance. La presse, ce sont aussi l’enquête et la mise des gens devant leurs responsabilités, surtout quand il s’agit de choses aussi graves. Sur la connexion entre Sonko et la rébellion, l’intéressé ne s’en cache même pas. Parmi les réalisations socio-économiques du Président Macky Sall au service du pays, il y en a certaines qui ont mis à mal la rébellion en Casamance. On n’entend plus que la Casamance est délaissée. C’est le pont transgambien qui a mis à plat tous les arguments de la rébellion. Le pont de Marsassoum et le pont transgambien, construits au bénéfice de la Casamance et de l’ensemble du pays, ont fini de démonter toute l’argumentation de la rébellion. La deuxième chose est la prise en main militaire de la Casamance en dotant nos Forces de défense et de sécurité de tous les moyens nécessaires pour réduire la rébellion. Quand Ousmane Sonko surfe sur les réduits de cette rébellion pour transposer la violence dans la banlieue dakaroise ou dans les manifestations dakaroises, la moindre des choses pour tout Sénégalais qui se réclame patriote, c’est de se lever et s’ériger en barrière contre cela. Ce n’est pas parce que la rébellion a échoué en Casamance qu’on doit la transposer à la Place de la Nation.

Pour vous, Ousmane Sonko est en train de transposer la rébellion de la Casamance à Dakar ?
Pour moi, pour vous comme pour tout le monde ! Durant le mois de mars, on a vu des gens tirer à balles réelles sur les populations. Depuis 30 ans que je suis sur la scène politique, à part l’assassinat de Me Babacar Sye, je n’ai jamais vu des armes à feu dans l’espace public. Pour une manifestation politique, des gens armés incendient des maisons et tirent à balles réelles. Ce n’est pas ce que nous ont appris, en termes d’opposition, les Majmoud Diop, Cheikh Anta Diop, Sémou Pathé Guèye, Samba Diouldé Thiam, Amath Dansokho, Abdoulaye Bathily…, ces grandes figures de l’opposition sénégalaise. Aujourd’hui, notre pays est devenu orphelin de cette opposition. A leur place, il y a Guy Marius Sagna, Ousmane Sonko, des insulteurs publics qui tiennent le flambeau. On est tombés très bas et le pays, sur ce plan, s’est affaissé.

Pourquoi alors leur discours est de plus en plus entendu par la jeunesse et c’est symbolisé par la foule qui était mercredi dernier à la Place de la Nation ?
Malheureusement, nous sommes à l’ère des réseaux sociaux où il y a autant de journalistes qu’il y a de téléphones. Les inepties les plus incroyables trouvent des gens pour y croire. Ce n’est pas propre au Sénégalais mais dans le monde entier. On a vu des gens comme Jair Bolsonaro au Brésil ou Donald Trump aux Etats-Unis se faire élire. Les choses les plus invraisemblables sont devenues aujourd’hui des vérités bibliques et coraniques. Réunir des foules ne veut pas dire être dans le vrai ou la vertu. On a vu le cas Kounkandé.

Yewwi a annoncé une autre manifestation le 17 juin prochain. S’achemine-t-on vers le scénario de fin de règne du régime de Wade avec des protestations de rue au quotidien ?
Durant la dernière manifestation de Yewwi, vous n’avez jamais entendu un seul argument juridique sur les décisions du Conseil constitutionnel. Non ! Sonko a passé son temps à mentir comme il le fait tous les jours. Quand il a dit que le Président Macky Sall se préparait à remplacer l’actuel président du Conseil constitutionnel par l’ancien procureur de la République, Serigne Bassirou Guèye, est-ce qu’un journaliste est allé faire des enquêtes pour voir si Serigne Bassirou Guèye répond juridiquement et administrativement au profil qui puisse remplacer le président du Conseil constitutionnel ? Les gens gobent ce que Sonko dit.

Est-ce que cette information est vraie ?
Mais ça ne peut pas être vrai.

Pourquoi ?
C’est ce qui est attendu de la presse. Quand Sonko sort des inepties de ce genre, il est du devoir de la presse de faire des enquêtes. Macky Sall ne nomme pas qui il veut et tous les magistrats ne sont pas de même rang, de même statut, les juridictions sont stratifiées. Ce qu’il a dit, c’est une bêtise. Tout ce que Ousmane Sonko dit relève du mensonge. La preuve, il dit que sa voiture a été sabotée. Par qui ? Où ? Si c’était le jour de son meeting, il y avait 5000 personnes à Place de la Nation, pourquoi il ne les a pas appelées à témoin ? Parce que c’est faux ! Cette théorie de tentative d’assassinat relève de son imagination. Ce qui m’étonnerait est qu’une vérité sorte de la bouche de Ousmane Sonko tellement il m’a habitué à des choses fausses. Si c’est chez lui, il y a des gardes du corps. Pourquoi ils n’ont pas vu ceux qui ont saboté le véhicule ?

Comment comprenez-vous que votre camarade de parti, Amath Suzanne Camara, appelle à tuer Ousmane Sonko sans faire l’objet de convocation à la Justice ?
Ce n’est pas normal. Que ce soit mon ami Amath Suzanne Camara ou quelqu’un d’autre, quiconque appelle à l’assassinat d’un homme doit être entendu. La Justice doit faire son travail. Je suis un citoyen et un patriote. Cette sortie malheureuse de Amath Suzanne Camara est contre-productive parce qu’on la met en parallèle avec des choses beaucoup plus graves. Mais c’est différent de l’appel de Ousmane Sonko qui appelle à tuer les institutions du pays. Prendre 200 000 jeunes pour qu’ils soient de la chair à canon pour affronter les gendarmes afin de déloger le Président du Palais, les gendarmes vont tirer sur eux fatalement. Que des jeunes et des gendarmes meurent pour que Ousmane Sonko soit Président ! C’est ça le bonheur du Sénégal ?

890 millions de francs auraient été trouvés chez votre camarade de parti, Farba Ngom. Etes-vous aussi de ceux qui réclament que Justice soit faite dans cette affaire ?
Si c’est prouvé, oui. Mon niveau d’information fait que je n’ai pas les preuves dans cette affaire. Je ne cherche pas à le disculper. Si c’est prouvé, ce n’est pas normal. Ce n’est pas normal que des choses pareilles se passent dans ce pays. La Justice est appelée à faire son travail dans tous les cas de figure, quel que soit celui qui est au centre des affaires. On est tous égaux devant la loi. Laquelle doit s’appliquer de façon uniforme et égalitaire à tout le monde, au premier rang d’ailleurs ceux qui dirigent le pays et ceux qui aspirent à le diriger. Nous sommes tous assujettis à la loi mais encore plus lorsque nous avons des postes de responsabilités.

Quelle lecture faites-vous des décisions du Conseil constitutionnel que beaucoup trouvent bizarres ?
Il n’y a aucune bizarrerie. La décision du Conseil constitutionnel est conforme au Droit, cohérente et inattaquable. Il y avait une erreur sur la liste des suppléants de Benno bokk yaakaar, ça a été retoqué de même que l’erreur sur la liste des titulaires de Yewwi askan wi. Le premier «juge» qui a condamné cette liste, c’est Ousmane Sonko. Il a été le premier à annoncer l’irrecevabilité de leur liste en admettant qu’elle comportait des erreurs. Aucun argument juridique ne peut être opposé à cette décision. Ce qu’ils sont en train de faire, c’est du snobisme, c’est-à-dire qu’ils méprisent leur liste des suppléants. La liste des suppléants est une liste d’égale dignité avec celle des titulaires. C’est quand des situations pareilles se posent qu’on a besoin des suppléants. Le suppléant n’est pas un député par défaut mais un député par suppléance. Quand j’ai entendu les gens de Yewwi dire que personne ne peut les empêcher de participer, cela me faisait rire. Ils vont évidemment bien participer aux élections. Ils ont une liste des suppléants et ils doivent battre campagne pour ces gens-là. Ou bien, d’après Yewwi, ces suppléants ne sont pas dignes d’être députés ? Face à cette évidence, Ousmane Sonko ne trouve rien d’autre à faire que de demander à la population de se rendre tous les vendredis à la Place de l’Obélisque pour s’époumoner et demander la démission d’un tel. Il est député et vote les lois. Donc, le premier à devoir respecter les lois, c’est lui. Si tu dois fouler aux pieds la loi à chaque fois que ça t’arrange, où est ta citoyenneté ? Il faut que Sonko revienne en République. S’il ne le fait pas, il en pâtira parce que la République a les moyens de se défendre. On peut tout admettre sauf ceux qui posent un péril sur nos institutions et notre République. Quiconque menace la sécurité de la Nation trouvera la Nation et la République devant lui, moi en premier.

Est-ce que la machine Benno bokk yaakaar est bien huilée pour remporter les Législatives ?
C’est parce qu’elle est bien huilée qu’il y a cette panique de l’opposition. Il y a une fébrilité et une agitation dans cette opposition. Ils savent qu’il y a une liste qui va vers les Sénégalais, c’est la liste du Président Macky Sall, conduite par la très compétente et très engagée Mimi Touré. C’est la liste du Brt, du Ter, des stades, des ponts, des subventions à l’agriculture, des constructions d’hôpitaux, des succès diplomatiques et j’en passe. En face de nous, l’alternative de l’opposition s’appelle «Mortal kombat», 2ème vague ou 3ème vague meurtrière. Le Sénégalais sensé doit voter pour Benno bokk yaakaar.