Fonds Covid-19 : comment on se gavait de milliards et de millions dans huit ministères
Les importants moyens financiers mobilisés par le gouvernement pour la riposte contre les effets de la pandémie ont permis de soulager de nombreux ménages et entreprises. Manifestement, ils ont en même temps permis à certains de leurs gestionnaires de se remplir les poches.
La Cour des comptes a produit son rapport sur la gestion du Fonds de riposte et de solidarité contre les effets de la Covid-19 (Force Covid). Celui-ci est assorti de douze demandes d’ouverture d’une information judiciaire contre des agents suspectés de détournement de l’argent public. D’après Libération, qui a exploré le rapport de la Cour des comptes, huit ministères et l’Hôpital de Kaffrine sont concernés.
Au ministère du Développement communautaire, de l’Équité sociale et territoriale, renseigne le journal, Aliou Sow, qui occupait à l’époque le poste de Directeur de l’administration générale et de l’équipement (Dage), est épinglé pour une surfacturation sur le prix du riz. Montant en cause : 2 milliards 749 millions 927 mille 498 francs CFA.
Pour le même motif, la Cour des comptes a également demandé l’ouverture d’une information judiciaire contre les Dage du ministère de la Jeunesse, Mouhamadou Sène, et du ministère du Commerce et des Petites et Moyennes entreprises, Madeleine Suzanne Lô. Les mis en cause sont soupçonnés d’avoir gonflé des prix pour du gel hydro-alcoolique pour, respectivement, 41 millions 217 mille 580 et 805 000.
55 retraits de chèques
Au niveau du ministère du Développement industriel et des Petites et Moyennes industries, trois personnes sont visées par les demandes d’ouverture d’une information judiciaire. Il leur est reproché des irrégularités concernant des dépenses estimées à 2,5 milliards. Il s’agit de l’aide-comptable Mouhamadou Bamba Amar, du Dage Ndèye Aminata Loum Ndiaye et du gestionnaire du compte bancaire «Fonds d’appui à la Petite et Moyenne entreprise» dudit ministère, Moustapha Diop.
Il est reproché au premier 55 retraits de chèques signés par le troisième, entre le 3 mars et le 21 août 2020, pour le paiement en espèces des fournisseurs de masques du département concerné. Les auditeurs de la Cour des comptes estiment que ces paiements auraient dû être effectués par chèques bancaires ou par ordres de virement. Il est en outre reproché à Bamba Amar d’avoir puisé dans les fonds réservés à la promotion des petites et moyennes industries pour des dépenses non éligibles.
Concernant Ndèye Aminata Loum, la Cour des comptes pointe le paiement en espèces de fournisseurs de masques sur la base de simples décharges. Plus grave, signalent les auditeurs, ces décharges sont truffées d’anomalies.
En tant que gestionnaire du compte bancaire «Fonds d’appui à la Petit et Moyenne industrie», Moustapha Diop, pour sa part, devra s’expliquer sur l’ensemble de ces dysfonctionnement.
Un Dage, trois plaintes
Le Dage du ministère de la Femme, de la Famille et du Genre, Djiby Diakhaté, de son côté, fait l’objet de trois demandes d’ouverture d’une information judiciaire. Celles-ci portent sur des dépenses non justifiées pour 93 millions 209 mille 500. Au niveau du ministère des Mines, c’est le Dage de l’époque, Alassane Diallo, qui est épinglé pour le paiement d’un service non effectué. Celui du ministère de la Communication et de la Culture, Léons Nzalley devra également justifier devant la justice des dépenses pour un montant de 1 milliard 120 millions. Idem pour le directeur du Fonds d’impulsion de la Microfinance, Ndiamé Ndiaye, qui gérait les fonds Covid-19 au niveau du ministère de la Microfinance et de l’Économie sociale et solidaire. Il n’a pas pu justifier un trou de 11 millions 191 mille 532.
La Cour des comptes a demandé au ministère des Finances et du Budget d’enclencher les procédures appropriées pour le remboursement de 10 millions 740 mille décaissés et non justifiés par le directeur de la Prévention au ministère de la Santé et de l’Action, Dr Mamadou Ndiaye. Les auditeurs reprochent en outre à ce dernier d’avoir libellé des chèques au nom de trois personnes physiques différentes alors que le créancier de l’État, destinataire des paiements concernés, est une entreprise (Dina Famili).
Ex-comptable de l’Hôpital de Kaffrine, Lamine Diallo n’a pas échappé aux foudres de la Cour des comptes. Les auditeurs ont demandé au ministère de la Justice d’ouvrir une information judiciaire contre lui pour défaut de pièces justificatives de dépenses estimées à 45 millions et supportées par le fonds Covid-19.