« Diomaye moy Sonko ». Cette expression qui signifie littéralement « Diomaye, c’est Sonko » a fini d’être le slogan de campagne des militants de l’ex-Pastef et de leurs alliés. Loin de l’ambiance de la campagne électorale, il compte aller à l’assaut du palais présidentiel pour mettre en œuvre le projet politique d’Ousmane Sonko, dont il est très proche.
Pour cette élection présidentielle du 24 mars, Bassirou Diomaye Faye a la particularité d’être le seul parmi les 19 candidats à ne pas pouvoir battre campagne. En détention préventive, depuis près d’un an, pour plusieurs chefs d’accusation, le numéro 2 de l’ex-Pastef a même perdu son temps d’antenne sur la télévision nationale, comme décidé par le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (Cnra) qui a évoqué les dispositions du Code électoral. Mais Diomaye est aujourd’hui l’un des candidats les plus présents sur le terrain politique depuis le début de la campagne électorale, ce samedi 9 mars. « Diomaye mou Sonko », chantent, d’ailleurs ses ouailles et leurs alliés qui continuent d’adouber le candidat de la coalition « Diomaye Président ».
Choisi parmi les nombreux plans d’Ousmane Sonko-, en prison et écarté de la course par le Conseil constitutionnel-, il est finalement intronisé par le maire de Ziguinchor. Un choix « évident », aux yeux des observateurs de la vie politique. Il faisait partie des profils déjà plébiscités pour porter « légitimement » le « projet » d’Ousmane Sonko, dont il est très proche.
Fils d’un responsable socialiste à Ndiaganiao, proche de Niadiar Sène, le secrétaire général du Syndicat des agents des impôts et domaines est, pour beaucoup, le double de son mentor. « Il est le clone d’Ousmane Sonko », nous siffle-t-on : « Même fougue, même verve, même tempérament, même amour pour les arts martiaux, même look : souvent crâne rasé, barbe bien taillée ».
Homme timide, mais polémiste redoutable
En tout état de cause, le président du Mouvement national des cadres patriotes (Moncap) peut se targuer d’être parmi les premiers qui ont cru au projet Pastef/Les patriotes, même s’il ne fait pas partie de ses géniteurs. Au quotidien « L’As », il confiait : « J’ai eu l’honneur de concevoir la feuille de route du comité de pilotage provisoire qui a été mis en place, à l’occasion de l’assemblée générale du 4 janvier 2014 ».
Âgé de 41 ans, il boxe déjà dans la cour des grands. Derrière ses apparences d’homme candide, à la limite timide et sans histoire, se cache une personne belliqueuse, prête à utiliser même des armes non-conventionnelles pour déstabiliser ses adversaires. En plus clair, « BDF », comme l’appellent affectueusement « les Patriotes », est incontestablement sur les pas de son charismatique leader. Son flegme britannique et sa voix posée ne doivent pas tromper. Car cet ancien pensionnaire de la mission catholique et du Cem de Ndiaganiao qui porte le nom de son grand-père Macor est un polémiste redoutable et craint. La réponse salée qu’il avait adressée à Yakham Mbaye dans une contribution qui avait fait le tour des réseaux sociaux et dénommée: «Les vains aboiements d’un chiwawa » en est une parfaite illustration.
Très critique à l’encontre du régime en place, ce Sérère qui se laisse entrevoir dans l’éclat de sa noirceur et dans son élocution, ne porte pas de gants quand il s’agit de servir une réponse du berger à la bergère. Ce fut le cas lors de son face-à-face avec Me El Hadji Diouf. La robe noire qui pourtant d’habitude jubile devant l’adversité, n’a pu supporter les attaques de l’acolyte d’Ousmane Sonko.
Ancien élève du Lycée Demba Diop de Mbour où il a obtenu le baccalauréat en 2000, Bassirou Diomaye Faye a aussi un regard pointu sur les questions qui touchent à l’Etat, mais aussi la bonne gouvernance. Normal, il est breveté de l’ENA (École nationale de l’administration), après une maîtrise en Droit obtenue en 2004 à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad).
Révélé au grand public après la création du Pastef, il y a 9 ans (2014), l’inspecteur des impôts affirme que son entrée en politique est une surprise. «Il ne me traversait pas l’esprit de faire de la politique, car quand vous avez un parent qui fait de la politique, de prime abord, vous avez horreur de la politique parce que vous voyez le manque de temps. Vous voyez la pénibilité de l’engagement, vous voyez les absences répétées du pater», confiait-il au journal « L’As ».
Diomaye et « la fibre de refus » de son père
Mais c’est a priori l’engagement de son père qui a milité au Parti socialiste qui l’a poussé à emprunter ce chemin. «Vous ne vous rendez pas compte en même temps que ce qui fait l’engagement de votre pater a dû vous laisser une quelconque fibre de refus qui fait que vous ne pouvez pas supporter beaucoup de choses. Des choses que vous trouvez anormales et que vous devez combattre», indiquait-il à nos confrères.
D’autant que pour le secrétaire général du Syndicat des Domaines, entre le syndicalisme et la politique, il n’y a qu’un pas de franchi. «Je pense que le syndicalisme côtoie de très près l’engagement politique. Et il y a un pas à faire entre la défense des intérêts matériels et moraux de ta corporation et la défense des intérêts du peuple, à travers un engagement militant, dans le cadre d’une formation politique», renchérit l’ancien chargé des revendications du syndicat des impôts.
Affecté tour à tour au Centre des professions libérales, au Centre des grandes entreprises, à la Brigade des vérifications, entre l’actuel chef du bureau des contentieux à la Direction de la législation et de la coopération et le président du leader du Pastef, l’alchimie allait quasiment de soi. Même région de naissance, même parcours académique, même profession, même trajectoire syndicale, mêmes aspirations patriotiques.